Introduction au parcours 2

 

L’ESSOR DU THÉÂTRE CANADIEN-FRANÇAIS (1868-1929)

Croquis chez le gouverneur-général,
à Ottawa, pendant une soirée dramatique

C’est dans le dernier quart du XIXe siècle que l’on assiste à l’émergence d’un théâtre véritablement canadien-français. Jusqu’alors, bien que privés d’un lien direct avec la France pendant près d’un siècle et demi, les francophones du Canada sont restés attachés au modèle français et n’ont pas développé une dramaturgie qui leur est propre. À peine 3% des pièces joués avant 1900 sont écrites par des Canadiens français. L’accroissement des tournées américaines et européennes, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, favorise la circulation des pièces, des comédiens et des influences qui façonneront le théâtre d’ici. Ces tournées contribuent aussi au développement des salles de spectacle, à la formation du public et des premiers artisans, comédiens, techniciens et metteurs en scène francophones du Canada.

Cercle Dramatique Sanche

Le pays  actuel prend forme à partir de 1867, quand le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et le Québec se regroupent dans une nouvelle entité politique : la Confédération canadienne. Au cours des années suivantes s’ajoutent les autres provinces et territoires. Dès 1867 cependant, la province de Québec obtient un Parlement où la population majoritairement francophone pourra créer des lois et des institutions. L’impact sur le théâtre se fera longtemps attendre mais au XXe siècle, il sera manifeste.

Le théâtre Granada, Sherbrooke, Québec

Dans ce nouveau pays, les Canadiens français de l’Ontario, des provinces maritimes et de l’Ouest auront souvent recours au théâtre pour entretenir des liens communautaires forts et préserver leur langue et leur culture. Au XIXe siècle, les congrégations religieuses seront au premier plan de la création et de la diffusion du théâtre au Canada français, en structurant des troupes dans les paroisses et dans les collèges classiques un peu partout à travers le pays. En effet, l’art dramatique est considéré comme un moyen efficace de former les jeunes à l’art oratoire. C’est pourquoi le théâtre est présent partout dans les collèges classiques de l’Ouest, de l’Ontario, du Québec et de l’Acadie à la fin du XIXe siècle.

L’industrialisation et l’urbanisation, qui provoquent le passage d’un mode de vie largement agricole et rural à une situation de salariés urbains, dans les industries, les commerces et les bureaux, en parallèle avec le développement des nouvelles technologies du cinéma et de la radio, modifient profondément la société canadienne. C’est en 1921 que le Québec devient majoritairement urbain. Cette population citadine grandissante et besogneuse est à la recherche de spectacles bon marché, légers et distrayants. C’est pourquoi deux nouveaux types de divertissements deviennent très populaires en ce début du XXe siècle : le théâtre de style « américain » (les revues, le burlesque et le vaudeville) qui sera une véritable mine d’or pour certaines troupes francophones, surtout au Québec, et le cinéma qui livrera une concurrence féroce aux productions scéniques. Au même moment, le théâtre dit de répertoire, plus sérieux, qu’affectionne l’élite bourgeoise en formation, traversera une période difficile.