2.2 Premiers auteurs canadiens-français

 

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L’auteur franco-ontarien Louvigny de Montigny

Malgré l’indéniable dynamisme de l’activité théâtrale francophone entre 1870 et 1900, à peine 3% des textes qui sont joués pendant cette période portent la signature d’auteurs canadiens-français. Pour contrer la menace d’un impérialisme culturel issu de la France, plusieurs nouvelles compagnies de théâtre choisissent de s’associer à des dramaturges locaux. L’histoire et la politique s’avèrent les sources d'inspiration privilégiées des auteurs du Canada français : pensons à l’époque héroïque de l'exploration du continent racontée dans la pièce Jacques Cartier ou Canada vengé, de Joseph-Louis Archambault (1879); ou la conquête anglaise de 1759-1760 qui constitue la trame du Drapeau de Carillon de Laurent-Olivier David (1901); ou encore des problèmes contemporains comme l'exécution du Métis francophone Louis Riel, en 1885, qui inspirera deux pièces de théâtre l'année suivante.

Véronica au Théâtre des Nouveautés :
la première du drame en vers de M. Louis
Fréchette, poète national, le succès
littéraire de la saison à Montréal

Louis-Honoré Fréchette, déjà apprécié pour son Félix Poutré, en 1862 (soi-disant écrit d’après les mémoires d’un héros patriote), connaît un succès retentissant en juin 1880 avec sa pièce intitulée Papineau; ces deux textes s’inscrivent dans le courant des textes dits patriotiques. Vers la même époque, sans être historique à proprement parler, la comédie en vers Les Faux Brillants, de Félix-Gabriel Marchand1, brosse un portrait fidèle de la société canadienne-française à la fin du XIXe siècle, tandis qu’en 1903, Louvigny de Montigny présente Boules de neige, considérée comme la première pièce « sérieuse » dont les personnages s’expriment dans le vocabulaire courant des Canadiens français. Le public francophone se reconnaît dans ces pièces : il est séduit par la représentation d’un univers qui lui ressemble et, surtout, par une langue qui est la sienne.

Page frontispice de «Nous divorçons!»,
comédie en un acte, 4 personnages, par Régis Roy
(1864-1944), Montréal, C.O. Beauchemin & fils,
libraires-imprimeurs, 1897, 23 p.

Outre ces productions à saveur historique, les compagnies présentent aussi des traductions de pièces étrangères en insistant, de plus en plus, sur la nécessité d’y apporter des ajustements afin de les modeler aux réalités locales. Très vite, des auteurs comme Ernest Doin et J. George Walter McGown adaptent des succès parisiens, notamment en leur conférant un ton moins mondain. Sans être des traductions, certaines pièces puisent aux mêmes sources et s’inspirent des ressorts dramatiques ou comiques élaborés par les auteurs européens ou américains. Toutes ces nouvelles pièces ajoutent un grand nombre de titres éphémères au répertoire francophone d’ici. Par exemple, les pièces de Régis Roy donnent dans le registre de la comédie populaire, notamment Consultations gratuites (1896) et l’audacieux Nous Divorçons (1897) dans laquelle les personnages s’expriment en langage populaire canadien-français : « Si j’ su’ obligé aujourd’hui d’ me séparer d’ ma femme, c’est qu’il y a pus moyen de rester ensemble… Comment s’que ça a commencé, j’serais ben en peine de l’ dire! »2

Laurent-Olivier David vers 1905

Avec une offre théâtrale plus diversifiée s’amorce une séparation plus nette des divers publics. La bourgeoisie et l’élite sociale continuent d’apprécier un répertoire plus sérieux, reposant sur des thèmes patriotiques et historiques traditionnels, tandis que les classes populaires accordent volontiers leur préférence à des pièces légères et divertissantes : théâtre de boulevard parisien et comédies locales. C’est ainsi qu’un fossé commence à se creuser entre le milieu populaire et les auteurs de théâtre canadiens-français.

1 Marchand sera Premier ministre du Québec de 1897 à 1900.

2 Nous divorçons! comédie en un acte, Régis Roy, C.O. Beauchemin et fils, 1897, p. 6, reproduction en ligne http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/numtextes/d63.htm

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