Module interactif - Chanson populaire francophone au Canada

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Bien qu’elle connaisse son lot de problèmes, la population francophone du Québec demeure favorisée par rapport à celle des autres provinces du Canada. En effet, la situation linguistique et culturelle des francophones des provinces maritimes, de l’Ouest, et de l’Ontario est encore plus fragile. Dans ce contexte, le théâtre s’avère un outil efficace pour lutter contre l’assimilation : prendre la parole en français, devant public, devient un excellent moyen de protéger sa langue et d’affirmer haut et fort son identité culturelle.

Si l’Église s’est souvent insurgée contre certaines pièces de théâtre jugées immorales, elle se fait néanmoins la championne de l’activité théâtrale francophone en milieu minoritaire. Au Manitoba, par exemple, le théâtre fait ses premiers pas à Saint-Boniface dès 1870, lorsque les élèves du couvent des Sœurs Grises montent des textes tels Un Souvenir de la patrie ou La petite fille perdue, des pièces qui exaltent la fierté de la langue et de la culture française. Outre les mélodrames écrits par des auteurs locaux, les élèves des collèges francophones d’Alberta et du Manitoba présentent aussi des pièces tirées du répertoire classique français, notamment de Molière, Racine et Corneille. Les drames historiques sont également très appréciés, de même que les grandes fresques historiques. Par exemple, en 1911, le Collège Saint-Jean d’Alberta présente La Passion de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un événement théâtral auquel participent 140 personnes et qui remporte un grand succès populaire.

Toujours dans l’Ouest, c’est en février 1877 que l’Union des Secours mutuels organise un club dramatique au Manitoba. Dès ses débuts, il présente Jocrisse, puis Les Deux Aveugles d’Offenbach, qui seront les premières pièces jouées en français à Winnipeg. En 1886, on assiste à la création du Club Dramatique de Saint-Boniface, qui sera considéré comme la première véritable troupe de théâtre à voir le jour au Manitoba. Fleurissent ensuite des troupes basées sur l'origine nationale (Le Club belge, Les Dames auxiliaires des vétérans français, Les Canadiens de naissance) ou sur les allégeances sociopolitiques (le Cercle ouvrier, les Amis de Riel, l'Union nationale métisse). En Alberta, le Cercle canadien d’Edmonton (1908), la Société du Parler français (1912) et le Cercle Jeanne d’Arc (1913) portent le flambeau de l’art dramatique franco-albertain. Chez les francophones de Colombie-Britannique, il faudra attendre le début du XXe siècle pour voir les débuts de l’art dramatique en français. La première incarnation du théâtre francophone sera La Société des Dames et Demoiselles de Langues Françaises de Vancouver en 1929.

À l’autre extrémité du pays, une activité théâtrale apparaît également dès la fin du XIXe siècle. Au Nouveau-Brunswick, une première société académique, littéraire et dramatique est mise sur pied en 1866 au collège Saint-Joseph à Memramcook et commence à produire des pièces à partir de 1893. Dès leur fondation dans les années 1890, le collège Sainte-Anne de la baie Sainte-Marie, en Nouvelle-Écosse, et le collège du Sacré-Cœur de Caraquet, au Nouveau-Brunswick, incorporent à leur programme d'activités des pièces jouées par les élèves. Les textes choisis vont des classiques « expurgés » de leurs passages jugés immoraux à des pièces écrites par des membres du clergé français pour le théâtre collégial. Le collège Sainte-Anne s’avère particulièrement dynamique avec la présentation des pièces La Malédiction (1893), La Farce de Maître Pathelin et La Torpille (1894), puis Les Bossus de Québec et Les Derniers martyrs du Colisée (1898). La programmation du collège Sacré-Cœur attire les foules, d’autant que les curés en parlent en bien en chaire! En 1905, cette institution présente Richard III de Shakespeare (en français) puis, l’année suivante, Vercingétorix. Toujours au Nouveau-Brunswick, le cercle Jean-Eudes présente des comédies, par exemple Les Tribulations du Marquis de la Grenouillère en 1907, et des drames religieux, historique ou sentimentaux, comme Cœur de prêtre (1911), ou encore certains classiques célèbres comme Le marchand de Venise de Shakespeare (1912).

Parallèlement au théâtre produit par l’Église se forment plusieurs petites sociétés de théâtre amateur un peu partout au pays. En Ontario, on construit un premier théâtre francophone dans la région de Hull-Ottawa en 1884, sous les auspices des Oblats dont le collège Marie-Immaculée est devenu l’Université d’Ottawa en 1866. L'activité théâtrale prend alors de l’importance et se poursuit par la suite sans interruption, notamment autour du Cercle dramatique Notre-Dame de Hull et de la Société des débats français de l’Université d’Ottawa, tous deux animés par Léonard Beaulne. Soutenu par le clergé et par l'Université d'Ottawa, le théâtre amateur constitue un important pôle culturel pour la communauté francophone de la région d’Ottawa. Les salles du Monument-National de Hull et du Little Theatre d’Ottawa deviennent les principaux lieux de représentation. On y présente un répertoire semblable à celui du Québec, soit des mélodrames et des comédies qui ont été populaires à Paris, tels Les Pirates de la savanne, Michel Strogoff ou Les Boucaniers, complété par quelques créations d’auteurs canadiens-français, par exemple les comédies de Régis Roy et le Félix Poutré de Louis Fréchette.

À mesure que la population et le réseau scolaire s’accroissent, le théâtre devient un élément central de la vie culturelle dans ces communautés francophones en milieu minoritaire. Plus qu’un simple divertissement, le théâtre s’avère un moyen de se regrouper, de préserver sa langue et de manifester sa fidélité à un ensemble de valeurs et de croyances fondées sur la culture française et la religion catholique.

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