Introduction au parcours 1

 

LES PRÉMICES DU THÉÂTRE FRANCOPHONE (1606–1867)

La première pièce au Canada en 1606

L’histoire du théâtre au Canada français débute le 14 novembre 1606 dans la baie de Port-Royal, en Acadie, lorsqu’un groupe d’immigrants français dont fait partie Champlain présente la pièce Le Théâtre de Neptune en la Nouvelle-France. Le texte est l’œuvre de Marc Lescarbot, lui aussi membre de cette expédition qui a pour but de fonder une colonie française en Amérique. Malgré un début aussi prompt, le théâtre francophone mettra cependant bien du temps à s’implanter de façon manifeste et durable au Canada.

Au temps de la Nouvelle-France, c’est surtout à Québec et à Montréal que le théâtre amateur est présent. Mais puisque certaines des pièces présentées heurtent la sensibilité de l’Église, qui voit dans le volet profane de cette activité une menace à son pouvoir et aux bonnes mœurs de la population, le théâtre sera rapidement dévalué et demeurera fort discret pendant la plus grande partie du Régime français.

En 1763, quand la Nouvelle-France devient possession anglaise, la population majoritairement francophone de la Province of Quebec se voit brusquement coupée des influences et des produits culturels de sa mère patrie, la France. Bien que cette population obtienne en 1774 la reconnaissance officielle de sa langue et de certaines institutions françaises, son pouvoir et sa prospérité sont limités. Dans ces conditions moins favorables, tout le secteur culturel connaît un lent développement et le théâtre professionnel demeurera exclusivement anglophone pendant plus d’un siècle 1. Par contre, le théâtre amateur est très vivant dans les communautés francophones des villes, témoignant d’un attachement très profond à la langue et à la culture françaises.

L’un des premiers théâtres de Montréal,
situé sur la rue Saint-Sulpice (1804)

Puisque le théâtre est un bon moyen de prendre position et de communiquer des idées, l’Église va une fois de plus juger trop audacieux, voire subversifs, certaines pièces et certains auteurs. Au tournant du XVIIIe et du XIXe siècles, le clergé va donc s’en prendre une fois de plus à ce moyen d’expression et restreindre considérablement la pratique du théâtre. Mais paradoxalement, après les Rébellions des Patriotes de 1837-1838, alors que l’Église catholique francophone recouvre le droit de recruter et de percevoir de l’argent (la dîme), elle devient elle-même un important promoteur du théâtre à travers son réseau de collèges classiques, où elle forme l’élite intellectuelle et sociale du Canada français.

1 Ainsi, des troupes américaines font des tournées à Montréal et à Québec : elles se produisent au Royal-Molson, au Royal-Côté ou au Academy of Music à Montréal, ainsi qu’au Music-Hall à Québec. Le réseau et les infrastructures sont essentiellement conçus pour accueillir des pièces du répertoire anglophone.